Méditation sur les divinités, méditation sur l'esprit.

Publié le 14 Octobre 2016

Lama Guendune Rinpoché

...Dans la méditation, nous faisons l'erreur d'être complètement subjugué par cette conscience qui dit qu'il faut que tout se manifeste comme pureté, sagesse, etc. En opposition à cela, on classe les pensées et tout ce qui s'élève dans l'esprit pendant la méditation comme étant impurs, et on dit que cet état d'agitation des pensées est mauvais, qu'il ne devrait pas être là. On nourrit l'espoir que cet état cesse, qu'un jour on se sente différent, parce que les pensées ne seront plus là et qu'on sera bien tranquille et que tout sera pur. Cet espoir a de fortes chances d'être toujours déçu, parce qu'on n'est pas dans la perspective juste de la méditation, mais dans un principe de durée. On invente une espèce de réalité, de durée, on pense que d'un point on arrivera à un autre, alors que la réalité de l'esprit est là, dans le moment, dans l'instant ou dans l'immédiateté.

La conscience pure est simplement la conscience qui se détache de l'apparence impure, qui ne s'attache à aucun aspect de l'esprit, qui ne saisit aucun des instants de l'esprit pour lui donner une plus grande durée, qui ne cherche pas à faire quelque chose des pensées ou de l'esprit lui-même, mais qui demeure simplement détachée du processus mental lui-même. C'est une conscience qui, lorsqu'elle regarde l'esprit dans son essence, les pensées dans leur essence, s'aperçoit que la pensée n'est rien en tant que telle, qu'elle n'a pas de couleur, pas de forme, pas de caractéristique, pas de réalité. La pensée n'est pas significative, la pensée est inexistante, elle est un instant de l'esprit et ne va pas au-delà de cet instant. Il ne faut donc pas s'attacher à la succession des pensées pour former une espèce de chaîne mentale, mais rester dans la conscience de l'instant. L'apparence pure prend place naturellement dans cette conscience de l'instant, il n'y a pas besoin d'être déprimé par l'apparence impure, par les pensées qui s'élèvent, etc., parce que c'est cet attachement à la manifestation impure qui la fait exister.Si l'on est dans cet état de conscience directe et claire, toutes les émotions, toutes les manifestations et perturbations qui s'élèvent dans l'esprit, sont connues dès qu'elles apparaissent, mais l'esprit ne doit pas s'arrêter dessus, de même qu'on ne doit tenter de les faire cesser. D'ailleurs, quand on est dans cet état de conscience, qui ne juge pas mais voit la totalité de l'esprit, voit cette succession d'instants, cette succession de tendances, cette succession d'états qui apparaissent les uns après les autres, on est conscient du tout et on n'est dominé par rien, on est emporté par rien. Puisqu'on voit l'impur, on voit le pur; puisqu'on voit le négatif, on voit le positif. La conscience est extrêmement discriminante, très claire, mais elle n'est pas attachée aux processus mentaux. Elle demeure simplement dans l'instant, dans la conscience de l'essence: chacune de ces manifestations n'est qu'un instant, qu'un moment de l'esprit qui disparaîtra et fera place à un autre moment de l'esprit. On demeure sans saisie, sans attachement vis-à-vis de ce qui apparaît, de ce qui se manifeste dans l'esprit. C'est ce qui permet au mouvement de l'esprit d'être complètement libre, complètement naturel et inobstrué et, ainsi, les pensées s'élèvent et se libèrent simultanément.

Dans notre relation ordinaire au monde et aux autres, nous voulons toujours changer quelque chose à l'extérieur de nous-mêmes. Nos espoirs sont souvent déçus, car nous n'avons pas la possibilité de modeler les situations à notre volonté, et c'est pour cette raison qu'intérieurement nous sommes dans un état de souffrance et d'insatisfaction. Cela vient du fait que cette insatisfaction se déplace et se développe selon trois polarités: d'abord, en fonction de ceux qui nous sont chers, que l'on peut appeler nos amis ou nos proches, avec qui on voudrait rester pour toujours; ensuite, soi-même qui veut aussi se transformer et connaître un état de satisfaction en relation avec ces proches; enfin, les autres qui sont considérés comme des menaces pour soi-même, comme des ennemis, que l'on voudrait ne jamais rencontrer et repousser lorsqu'ils sont là. Nous avons cette volonté très forte qui s'attache ainsi, de manière partielle, à travers ces différentes relations. Nous voulons garder ce qui nous plaît, nous voulons repousser ce qui ne nous plaît pas, nous avons peur que ce qui nous plaît disparaisse, nous avons peur de ne pouvoir empêcher des conditions non désirables de se manifester. Cette peur est effectivement fondée, dans le sens où l'on n’y peut rien, car cela se manifeste quand même. Aucune situation n'est définitive, mais elle se transforme et change, marquée par l’impermanence. D'un côté, nous avons cette saisie très forte qui veut fixer les choses une fois pour toutes telles qu'elles sont, sans jamais qu'elles changent. D'un autre côté, les choses changent tout le temps et par là-même nous échappent sans cesse. Alors, bien entendu, si l'on saisit les choses, on est toujours en train de souffrir, car on n'est jamais satisfait puisque les choses se transforment. Il faut comprendre qu'il en est ainsi, qu'on ne peut rien retenir, parce que tout est impermanent et que tout change, et que c'est cela qu'on ne peut pas changer justement.

La seule chose qu'on puisse changer est sa propre saisie, sa propre relation aux choses. Cette volonté de fixer une fois pour toutes ce qui est bien et ce qui est mal, le bonheur et la souffrance est complètement vaine et insensée. Si, au contraire, on accepte les choses telles qu'elles sont, les amis deviennent des ennemis, les ennemis deviennent des amis etc, on s'aperçoit que tout se transforme, que rien ne dure, l’ami d'un jour peut être I'ennemi du lendemain. Il n'y a donc pas de raison de s'accrocher à cela, de se fixer là-dessus; il faut laisser les choses se transformer et les accepter telles qu'elles sont. De cette manière, on se libère de la souffrance, parce que la souffrance est celle qui n'accepte pas le changement.

Si l'on abandonne cette volonté qui veut changer les choses à I'extérieur de soi-même, une espèce de détente s'opère tout d'un coup et, simultanément, un espace s'ouvre, comme une dilatation qui fait que l'on pénètre dans une dimension semblable à un grand espace. Celui-ci a pour qualité d'être félicité, sensation de bien-être et de bonheur se situant au-delà de toute conceptualisation, parce qu'on ne peut rien ramener à un processus intellectuel. En abandonnant cette volonté, les choses se détendent et cette ouverture est génératrice de bien-être, de bonheur, de satisfaction réelle.

On comprend alors que la racine de toute cette lutte et de toute cette insatisfaction est la saisie d'un soi, la conception du «je». C'est en relation avec moi que les autres ou les situations extérieures existent, parce que lorsqu'il y a moi, il y a ce qui n'est pas moi, ce qui en est différent, et alors prend place le processus d'attraction vers ce qui est plaisant et de répulsion vers ce qui ne l'est pas. L'origine de toute l'insatisfaction repose donc sur cette conscience d'un soi. On s'aperçoit que toutes les manifestations qui en émanent sont simplement les produits d'un état d'ignorance, qui est l'ignorance de l'absence d'existence, de l'irréalité de cet ego. Si on comprend cela, si on peut apercevoir cette ignorance, on aura en même temps la perception de ce qu'est la sagesse, de ce qu'est la conscience juste. On peut alors réaliser la vérité de la sagesse par la compréhension de l'irréalité de l'ignorance.

 (1) Le dharmakaya est l'esprit illuminé de tous les bouddhas, inconditionné et non formel, illimité, semblable à l'espace. C'est l'esprit primordial qui est réalisé, actualisé dans l'éveil.

 

Ressources

 

Dhagpo Kagyu Ling - Landrevie - 24290 Saint-Léon sur Vézère - tél : 05 53 50 70 75 - contact@dhagpo.org

 
 

Rédigé par claude maubert

Publié dans #méditation

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